Jardins de Pareillas

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art de vivre entre botanique, gastronomie et créativité


dés l'aube, à l'heur où blanchie la campagne, je partirai

Publié par n-talo sur 17 Février 2007, 03:01am

Catégories : #musarder et zieuter

Dicté en présence du glacier du Rhône
Causa tangor ab omni.
OVIDE.


Souvent, quand mon esprit riche en métamorphoses
Flotte et roule endormi sur l'océan des choses,
Dieu, foyer du vrai jour qui ne luit point aux yeux,
Mystérieux soleil dont l'âme est embrasée,
Le frappe d'un rayon, et, comme une rosée,
Le ramasse et l'enlève aux cieux.

Alors, nuage errant, ma haute poésie
Vole capricieuse et sans route choisie,
De l'occident au sud, du nord à l'orient ;
Et regarde, du haut des radieuses voûtes,
Les cités de la terre, et, les dédaignant toutes,
Leur jette son ombre en fuyant.

Puis, dans l'or du matin luisant comme une étoile,
Tantôt elle y découpe une frange à son voile,
Tantôt, comme un guerrier qui résonne en marchant,
Elle frappe d'éclairs la forêt qui murmure ;
Et tantôt en passant rougit sa noire armure
Dans la fournaise du couchant.

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Enfin sur un vieux mont, colosse à tête grise,
Sur des Alpes de neige un vent jaloux la brise.
Qu'importe ! Suspendu sur l'abîme béant
Le nuage se change en un glacier sublime,
Et des mille fleurons qui hérissent sa cime,
Fait une couronne au géant !

Comme le haut cimier du mont inabordable,
Alors il dresse au loin sa crête formidable.
L'arc-en-ciel vacillant joue à son flanc d'acier ;
Et, chaque soir, tandis que l'ombre en bas l'assiège,
Le soleil, ruisselant en lave sur sa neige,
Change en cratère le glacier.

Son front blanc dans la nuit semble une aube éternelle ;
Le chamois effaré, dont le pied vaut une aile,
L'aigle même le craint, sombre et silencieux ;
La tempête à ses pieds tourbillonne et se traîne ;
L'oeil ose à peine atteindre à sa face sereine,
Tant il est avant dans les cieux !

Et seul, à ces hauteurs, sans crainte et sans vertige,
Mon esprit, de la terre oubliant le prestige,
Voit le jour étoilé, le ciel qui n'est plus bleu,
Et contemple de près ces splendeurs sidérales
Dont la nuit sème au loin ses sombres cathédrales,
Jusqu'à ce qu'un rayon de Dieu

Le frappe de nouveau, le précipite, et change
Les prismes du glacier en flots mêlés de fange ;
Alors il croule, alors, éveillant mille échos,
Il retombe en torrent dans l'océan du monde,
Chaos aveugle et sourd, mer immense et profonde,
Où se ressemblent tous les flots !

Au gré du divin souffle ainsi vont mes pensées,
Dans un cercle éternel incessamment poussées.
Du terrestre océan dont les flots sont amers,
Comme sous un rayon monte une nue épaisse,
Elles montent toujours vers le ciel, et sans cesse
Redescendent des cieux aux mers.
 Victor HUGO (1802-1885)
(Recueil : Les feuilles d'automne)
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B
je partirais vois tu je sais que tu m'attends, j'irais par la foret j'irais par la montagne, je ne peux demeurer loin de toi plus longtemps... Seul poeme dont je me souvienne encore par coeur... En plus suis meme pas sure de l'avoir appris pour l'ecole... Mais ces mots sont gravés a jamais dans mon cerveau
N
pareil
F
J'aime beaucoup ce poème et les photos qui l'accompagnent sont magnifiques !
N
florinette tu es la plus forte . tu connaissais le poème !
C
Alors, ça c'est dingue !!! J'ai fait il y a quelques jours des photos d'aurore de ma fenêtre dans les mêmes tonalités et j'envisageais de faire un article avec un détournement de "Demain, dès l'aube ..." ( un poème que tout le monde connait chez moi puisque je le cite à chaque fois que nous devons partir "à l'heure où blanchit la campagne ..." Du coup je n'ose plus ...
N
fonctionnement identique ! ... au début je voulais le poème "demain dés l'aube" et google m'a permise de découvrir cet hugo ... mieux ... la montagne ... mais demain dés l'aube c'est un autre trip ... qui me remue les tripesfais le avec tes tripes !
M
Très beau poème et les photos sont époustoufflantes.
N
non non c'est le ciel qui était à couper le souffle !
C
Magnifique poème de Victor Hugo que je ne connaissait pas. Merci de nous le faire découvrir ! Je me régale lorsque je me balade sur ton blog

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